C’était le matin du dernier dimanche avant Noël. Gédéon le petit cochon s’ébroua et se dressa sur ses pattes blanches, tout excité à l’idée de retrouver ses copains. Ce jour était pour tous un grand jour, celui où l’on préparait la crèche.
Il courut vers l’étable qui devait l’accueillir. Là, il retrouva Bruno l’agneau, Alain le poulain, Odilon l’ânon et Emilio le veau regroupés autour d’un lit de paille sur lequel un petit Jésus prendrait bientôt sa place.
Tout autour, des pierres ramenées de l’extérieur avaient été harmonieusement disposées au fond de l’étable, évoquant un décor de grotte. Alain et Odilon avaient récupéré l’épouvantail du champ le plus proche. Dressé dans le fond, il jouait à la perfection son rôle de berger.
Un rayon de lumière traversait une étroite fenêtre pour se poser sur le berceau improvisé, c’était magnifique.
- Eh voilà ! dit Emilio, elle est prête ! Et au complet ! Tout y est, le berger, l’agneau, l’âne, le cheval, et le bœuf !
Gédéon dressa ses oreilles en attendant la suite. Mais de suite, il n’y en eut pas. Et lui alors ?
Bien décidé à ne pas en rester là, il sortit précipitamment et fila droit vers la ferme la plus proche. Il pénétra dans la pièce principale, déserte heureusement, et repéra la plante qui l’intéressait. Avec délicatesse, il arracha deux longues feuilles au bambou qui décorait les lieux. Il les fixa bien dressées sur le sommet de sa tête.
Dans un reflet de la vitre, il s’admira. Parfait ! Il ressemblait comme deux gouttes d’eau à Odilon l’ânon.
Mais quand il voulut prendre place autour de la crèche en lançant un « hi han ! » tonitruant, ses copains secouèrent la tête.
- Gédéon, dit Emilio, on t’a reconnu !
- Vous avez fait comment ? dit Gédéon très étonné.
La queue basse, il sortit de nouveau, se débarrassa de ses fausses oreilles et eut une nouvelle idée. Avisant un tas de neige, il fonça la tête la première et creusa presque une galerie à l’intérieur.
Il dut répéter l’opération plusieurs fois avant d’obtenir le résultat escompté. Mais il était content de lui. Avec toute cette neige sur son dos, il faisait un mouton très présentable.
Et hop, direction la crèche. Sur la pointe des pattes, en lâchant quelques « mèè mèèè » pénétrés, il tenta de se mêler à ses amis. Leurs regards se posèrent sur lui. Ils laissèrent passer quelques minutes sans rien lui dire, le fixant toujours. Gédéon sentit bientôt quelques gouttes s’écraser sur ses pattes, puis les gouttes devinrent de plus en plus nombreuses.
Zut alors, il fondait !
- Gédéon, dit alors Alain, nous avons déjà un mouton !
Dégoulinant, Gédéon tapa de la patte sur le sol.
- Comment vous savez que c’est moi ?
Bruno s’approcha de lui.
- Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? Te dessiner des taches sur le dos pour ressembler à Emilio ? Et t’avancer en meuglant « meuh meuh » ?
- C’est de votre faute ! protesta Gédéon. Personne ne veut de moi autour de la crèche !
- Mais, qu’est-ce qui te fait penser ça ? fit Odilon.
- Tout à l’heure, vous avez dit que vous étiez au complet !
- On ne savait pas que tu voulais nous rejoindre. Tu aurais dû nous avertir !
- Mais… mais… bougonna Gédéon la tête basse, c’est vrai qu’on n’a jamais vu de cochon dans une crèche !
- Peut-être qu’à l’époque, il n’y en avait pas. Mais nous sommes là pourquoi ? Pour réchauffer un nouveau-né. Et la chaleur d’un vrai cochon vaut bien celle d’un faux mouton !
- C’est vrai ? s’exclama Gédéon en redressant la tête.
- Bien sûr ! firent en chœur Bruno, Odilon, Alain et Emilio.
Ces deux derniers s’écartèrent pour lui faire de la place.
Et Gédéon, tout fier, joignit son souffle à ceux de ses amis.
FIN
Une histoire écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Ross le rhinocéros redressa sa jeune corne. Un beau soleil était épinglé sur le ciel bleu. Autour de lui, la savane déployait son tapis jaune piqué de bouquets d’arbres. En sautant à pieds joints, il s’entraîna à faire trembler le sol, comme ses parents quand ils galopaient en liberté, mais pour l’instant, petit rhinocéros ne faisait pas trembler grand-chose. Et il se sentait un peu seul.
Sa famille venait d’arriver dans ce coin tranquille. La proximité d’un point d’eau rassemblait les animaux. En ce 24 décembre, Ross observa avec envie, près d’une poignée d’acacias, d’autres enfants qui semblaient bien se connaître et jouaient ensemble : un lionceau, un jeune zèbre, un girafon et un éléphanteau.
Ils soulevaient des nuages de poussière en jouant à chat.
- C’est toi le chat, Edmond ! cria le lionceau.
- Non, Roméo, tu ne m’as même pas touché pour de vrai ! protesta le girafon.
Ross sentit le souffle de sa maman lui réchauffer l’oreille.
- Pourquoi ne vas-tu pas jouer avec eux ? lui demanda-t-elle.
- Je suis timide, dit Ross. Je n’ai pas envie de m’imposer.
- Je vois, répondit sa maman. Je te laisse faire. En attendant, pense à cette nuit. Tu sais que le Père Noël va te rendre visite.
- J’espère. J’ai été sage, maman ?
La corne de sa maman vint frôler la sienne.
- Comme un ange, mon ange.
Plus tard, à l’heure où le lionceau, le girafon, le zèbre et l’éléphanteau avaient rejoint depuis longtemps leurs foyers, la nuit assombrit le bleu du ciel. Et puis, comme si un doigt invisible avait appuyé sur un bouton, des milliers d’étoiles éclairèrent la savane d’une lueur pâle.
Petit rhinocéros voulut lutter contre le sommeil, car il n’avait jamais réussi à apercevoir le traîneau du Père Noël, mais la fatigue fut la plus forte, et il s’endormit.
À son réveil, il découvrit un cadeau à ses pieds. Il l’ouvrit fébrilement. Son père s’approcha.
- Regarde, papa, dit Ross, c’est un jeu de lancer d’anneaux ! C’est chouette !
- Lances-en un, pour voir, dit son papa.
Ross s’exécuta. D’un mouvement précis du cou, son papa glissa sa plus longue corne au milieu de l’anneau.
- Gagné ! rigola-t-il.
- Tiens ! Et si je proposais aux autres d’y jouer avec moi ?
- Très bonne idée ! l’encouragea sa maman. Vous allez vite devenir amis, j’en suis certaine.
Ross, tout guilleret, fonça vers le buisson d’acacias où, la veille, jouaient de joyeux compagnons. Il n’y avait personne quand il arriva, aussi patienta-t-il. Son attente fut de courte durée. Groupés, les quatre compères espérés débouchèrent sur la piste.
- Salut ! lui lança distraitement Edmond le girafon.
- Salut, dit Ross en baissant la tête.
Il avait posé ses anneaux par terre et positionné la cible un peu plus loin. Il entendit une autre voix s’adresser à lui.
- C’est ça que tu as eu à Noël ?
Roméo le lionceau désignait son jeu. Ross le regarda.
- Oui.
Les quatre copains éclatèrent de rire. Ross crut d’abord qu’ils se moquaient de lui, mais il comprit vite qu’il n’en était rien.
- Regarde ce que le Père Noël nous a apporté ! dit le petit zèbre.
Et tous les quatre de montrer… un jeu de lancer d’anneaux !
- Lui, il sait qu’on aime les mêmes jeux ! conclut l’éléphanteau.
- Comme on a cinq cibles, dit Roméo, je propose qu’on les dispose de plus en plus loin. La première vaudra 1 point, la deuxième, 2, la troisième 5, la quatrième 10 et la plus éloignée 20.
Ross eut alors une idée. Il s’avança et dit :
- Si ça vous tente, je vous propose une cible à 50 points. Une cible mouvante.
- Comment ça ? fit l’éléphanteau.
- Lance-moi un anneau.
L’éléphanteau obéit. D’un bond qui souleva de la poussière, Ross attrapa avec sa corne l’anneau volant, comme son papa lui avait montré.
- Génial ! dit l’éléphanteau. Tu t’appelles comment, au fait ?
- Ross.
- Et bien moi, c’est Enzo. Ça te dirait de jouer avec nous ?
- Tu peux le dire que ça me dirait ! s’écria Ross, aux anges.
FIN
Une histoire écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Claire l’étoile de mer était dans sa chambre, mais sa chambre était vaste comme l’océan. La surface des eaux formait un plafond dansant qu’elle quittait rarement des yeux car, pour elle, l’océan n’était rien comparé à l’immensité du ciel qui tremblait par-dessus.
- Viens dans mes bras, ma chérie, dit sa maman qu’elle n’avait pas entendu venir dans l’épais silence des eaux. Je te sens rêveuse. À quoi penses-tu ?
- Raconte-moi encore le Père Noël, maman, répondit Claire.
- Eh bien, il va charger cette nuit son traîneau de jouets pour tous les enfants, s’envoler dans le ciel en se guidant aux étoiles et visiter chaque maison le temps d’une longue nuit.
- Même nous ?
- Bien sûr.
- Pourtant, nous sommes sous l’eau !
- Le Père Noël est un homme pour les hommes, un poisson pour les poissons, un oiseau pour les oiseaux, rien ne l’arrête et il n’oublie jamais personne.
- Je vois, dit Claire d’une petite voix.
Elle sembla hésiter, et poursuivit :
- Tu sais à quoi je rêve souvent, maman ? Je rêve de m’envoler pour devenir une de ces étoiles qui brillent et aident des milliers de marins à se repérer ! Oh oui ! comme j’aimerais, avec des amies, former de drôles de dessins dans le firmament, des casseroles, des maisons, des croix, des cerfs-volants, des serpents… Quitte à ne pas briller tellement, d’ailleurs…
- Tu es une étoile de mer, Claire, répondit sa maman, et pour nous, la plus jolie de toutes. Ton ciel, c’est le fond de l’eau ! On ne peut rien y changer.
- Dommage, dit Claire.
Elle s’écarta légèrement.
- Est-ce que j’ai le temps de me promener encore un peu ?
- Oui, mais ne traîne pas trop, le Père Noël ne devrait plus tarder maintenant.
Sa maman partie, Claire agita de nouveau ses bras et frôla le sable des fonds. En se soulevant, il formait comme une traîne derrière elle. Les habitants de la mer étaient encore nombreux à cette heure. Elle croisa même Célestin le requin et Audrey la raie.
- Si le Père Noël m’apporte mon costume de cow-boy, dit Célestin, tu voudras bien être mon étoile de shérif ?
- On verra.
- Chouette ! fit Célestin en disparaissant comme une torpille.
Et puis, petit à petit, l’océan se vida. Pour Noël, on se rassemblait en famille. Claire sentit que les eaux déjà sombres s’assombrissaient encore. La nuit qui tombait sur le monde semblait tomber dans l’eau au goutte-à-goutte.
Elle s’immobilisa. Elle sentait autour d’elle comme une présence. Plusieurs fois, elle crut voir un éclair rouge fendre les eaux, trop rapide pour être un poisson.
Elle patienta encore, prise de curiosité. Combien de temps s’écoula ? Elle ne sut le dire. Mais soudain, une voix la fit sursauter sur son rocher.
- Merci, Claire.
Un homme en manteau rouge se tenait près d’elle. Une grosse barbe blanche flottait sous son menton au gré du courant. Derrière lui, un traîneau tiré par des rennes reposait sur le sable.
Vous êtes le Père Noël ?
- En effet, petite étoile.
- Pourquoi m’avez-vous remerciée ?
- Parce que grâce à toi, les habitants de l’océan auront reçu leur cadeau !
- Je… je ne comprends pas…
- Le Père Noël a toujours besoin d’une étoile pour se guider. Quand on traverse le ciel, c’est toi qu’on voit au fond de l’eau, si lumineuse ! Tu m’as servi de repère. Et avec ton nuage de sable derrière toi, tu ressemblais même à une étoile filante ! Bon, maintenant, c’est à moi de filer car j’ai encore un long voyage à faire. Joyeux Noël, Claire !
Le Père Noël grimpa sur son traîneau. Lorsque les rennes l’arrachèrent au sable, un nuage de bulles les accompagna. Puis tout redevint comme avant.
Sauf Claire, qui était devenue une étoile de mer… du berger.
FIN
Une histoire écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
La truffe d’Apollo apparut hors de sa niche. Une épaisse couche de neige recouvrait la cour de la ferme, puis, au-delà, la campagne silencieuse. Sur sa droite, la grande niche de ses parents semblait vide. Les préparatifs de Noël devaient les occuper, le réveillon étant prévu pour le soir même.
Vite, il rentra sa tête et se pelotonna contre le coussin qui occupait la majeure partie de l’espace, chaud et doux comme le ventre de sa maman quand elle l’allaitait encore.
Ah ! sa petite niche ! C’était son royaume, son univers. Apollo était un chiot tranquille qui n’aimait rien tant que poser sa tête sur ses pattes avant et observer la vie du dehors par l’ouverture. Parfois, Agathe la chatte lui rendait visite, ou Simon le hérisson. Ils lui proposaient de jouer à chat, ou saute-mouton, mais il aurait fallu sortir…
Pour les retenir plus longtemps, il les aurait bien invités à entrer, mais la niche était trop petite pour accueillir des amis. Alors ils repartaient et Apollo regardait de nouvelles chutes de neige effacer leurs traces.
Apollo, engourdi par le froid et le bon repas qu’il avait pris le midi, laissa ses paupières retomber, comme on ferme des volets. Parfois, dans ses rêves, il était le chat qui réussissait à toucher Agathe, ou sentait les pattes de Simon se poser sur son dos pour lui sauter par-dessus. Ou encore, il battait Simonin le lapin à la course.
Mais le plus souvent, dans ses rêves, Apollo rêvait qu’il s’endormait, et rêvait qu’il s’endormait, et rêvait qu’il s’endormait…
Ce fut une voix familière qui le tira du monde des songes, celle de son papa.
- Eh ben dis donc, mon bonhomme, tu auras piqué un beau roupillon !
Apollo parvint à soulever ses paupières et à les empêcher de retomber. Un beau soleil faisait briller la neige derrière les visages de ses parents qui le contemplaient en souriant.
- Quelle heure est-il ? demanda Apollo.
- Presque midi.
Apollo eut du mal à réaliser. Comment pouvait-il être presque midi alors qu’il était midi passé quand il s’était endormi ?
- On te laisse émerger ? demande sa maman.
- Mais… mais… bredouilla Apollo, tout est prêt pour le réveillon ?
Son papa sourit en secouant la tête.
- Le réveillon ? Mais c’était hier soir ! Tu dormais tellement bien que nous n’avons pas voulu te réveiller !
- Mais… mais… le Père Noël, il est passé ?
- C’est à toi de le savoir, mon bonhomme.
Et ils s’éloignèrent.
Apollo se releva, il fit plusieurs fois le tour de son coussin, trotta jusqu’au fond de sa niche et revint en reniflant. Il n’avait rien trouvé. Le Père Noël l’avait oublié.
Il ruminait encore cette pensée quand il perçut les rires de ses amis qui venaient le rejoindre, sans doute pour lui montrer les beaux cadeaux qu’ils avaient reçus. Les têtes d’Agathe, de Simon et de Simonin lui bouchèrent bientôt la vue. Ils ouvraient tous de grands yeux ronds.
- Dis donc ! lui lança Simonin. Tu as été drôlement gâté, toi !
Apollo renifla de plus belle. Ce n’était vraiment pas drôle comme remarque !
- Moi, reprit Simonin le lapin, j’ai eu un déguisement de chasseur.
- Moi, une planche à roulettes, dit Simon le hérisson.
- Et moi, un Chrabble, enchaîna Agathe. Je l’ai apporté. Tu veux qu’on fasse une partie, tous ensemble ?
- J’aimerais bien, mais il n’y a pas la place dans ma niche.
Les trois amis éclatèrent d’un même rire.
- Elle est bien bonne celle-là ! dit Simonin. Venez vous autres !
Et Agathe, Simon et Simonin entrèrent dans la niche d’Apollo qui n’eut même pas besoin de se pousser pour les laisser passer. Le chiot les vit se regrouper tout au fond, et Agathe installait son plateau de jeu au sol quand Apollo réalisa : il s’était passé quelque chose !
Sa niche n’était pas comme d’habitude. Il sortit et, creusant du bout des pattes des trous dans la neige, prit du recul.
- Ça alors ! s’exclama-t-il.
Une niche toute neuve, et gigantesque, avait remplacé celle dans laquelle il s’était endormi la veille. Et il ne s’était rendu compte de rien ! Comment avait-il fait, le Père Noël ?
- Allez Apollo ! lui cria Agathe de l’intérieur, à la niche !
FIN
Une histoire écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
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