Ross le rhinocéros redressa sa jeune corne. Un beau soleil était épinglé sur le ciel bleu. Autour de lui, la savane déployait son tapis jaune piqué de bouquets d’arbres. En sautant à pieds joints, il s’entraîna à faire trembler le sol, comme ses parents quand ils galopaient en liberté, mais pour l’instant, petit rhinocéros ne faisait pas trembler grand-chose. Et il se sentait un peu seul.
Sa famille venait d’arriver dans ce coin tranquille. La proximité d’un point d’eau rassemblait les animaux. En ce 24 décembre, Ross observa avec envie, près d’une poignée d’acacias, d’autres enfants qui semblaient bien se connaître et jouaient ensemble : un lionceau, un jeune zèbre, un girafon et un éléphanteau.
Ils soulevaient des nuages de poussière en jouant à chat.
- C’est toi le chat, Edmond ! cria le lionceau.
- Non, Roméo, tu ne m’as même pas touché pour de vrai ! protesta le girafon.
Ross sentit le souffle de sa maman lui réchauffer l’oreille.
- Pourquoi ne vas-tu pas jouer avec eux ? lui demanda-t-elle.
- Je suis timide, dit Ross. Je n’ai pas envie de m’imposer.
- Je vois, répondit sa maman. Je te laisse faire. En attendant, pense à cette nuit. Tu sais que le Père Noël va te rendre visite.
- J’espère. J’ai été sage, maman ?
La corne de sa maman vint frôler la sienne.
- Comme un ange, mon ange.
Plus tard, à l’heure où le lionceau, le girafon, le zèbre et l’éléphanteau avaient rejoint depuis longtemps leurs foyers, la nuit assombrit le bleu du ciel. Et puis, comme si un doigt invisible avait appuyé sur un bouton, des milliers d’étoiles éclairèrent la savane d’une lueur pâle.
Petit rhinocéros voulut lutter contre le sommeil, car il n’avait jamais réussi à apercevoir le traîneau du Père Noël, mais la fatigue fut la plus forte, et il s’endormit.
À son réveil, il découvrit un cadeau à ses pieds. Il l’ouvrit fébrilement. Son père s’approcha.
- Regarde, papa, dit Ross, c’est un jeu de lancer d’anneaux ! C’est chouette !
- Lances-en un, pour voir, dit son papa.
Ross s’exécuta. D’un mouvement précis du cou, son papa glissa sa plus longue corne au milieu de l’anneau.
- Gagné ! rigola-t-il.
- Tiens ! Et si je proposais aux autres d’y jouer avec moi ?
- Très bonne idée ! l’encouragea sa maman. Vous allez vite devenir amis, j’en suis certaine.
Ross, tout guilleret, fonça vers le buisson d’acacias où, la veille, jouaient de joyeux compagnons. Il n’y avait personne quand il arriva, aussi patienta-t-il. Son attente fut de courte durée. Groupés, les quatre compères espérés débouchèrent sur la piste.
- Salut ! lui lança distraitement Edmond le girafon.
- Salut, dit Ross en baissant la tête.
Il avait posé ses anneaux par terre et positionné la cible un peu plus loin. Il entendit une autre voix s’adresser à lui.
- C’est ça que tu as eu à Noël ?
Roméo le lionceau désignait son jeu. Ross le regarda.
- Oui.
Les quatre copains éclatèrent de rire. Ross crut d’abord qu’ils se moquaient de lui, mais il comprit vite qu’il n’en était rien.
- Regarde ce que le Père Noël nous a apporté ! dit le petit zèbre.
Et tous les quatre de montrer… un jeu de lancer d’anneaux !
- Lui, il sait qu’on aime les mêmes jeux ! conclut l’éléphanteau.
- Comme on a cinq cibles, dit Roméo, je propose qu’on les dispose de plus en plus loin. La première vaudra 1 point, la deuxième, 2, la troisième 5, la quatrième 10 et la plus éloignée 20.
Ross eut alors une idée. Il s’avança et dit :
- Si ça vous tente, je vous propose une cible à 50 points. Une cible mouvante.
- Comment ça ? fit l’éléphanteau.
- Lance-moi un anneau.
L’éléphanteau obéit. D’un bond qui souleva de la poussière, Ross attrapa avec sa corne l’anneau volant, comme son papa lui avait montré.
- Génial ! dit l’éléphanteau. Tu t’appelles comment, au fait ?
- Ross.
- Et bien moi, c’est Enzo. Ça te dirait de jouer avec nous ?
- Tu peux le dire que ça me dirait ! s’écria Ross, aux anges.
FIN
Une histoire écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark