Le Noël de Sidonie la souris
Pfff ! Moi, je l’ai jamais vu le Père Noël ! dit Sidonie la souris, les bras croisés et la mine boudeuse, alors que vous, si ! C’est pas juste !
- Il faut être patiente ! répondit Simonin le lapin à son amie. Peut-être que cette année, ce sera ton tour !
Simonin était un peu embêté car, à vrai dire, ni lui, ni ses copains n’avaient vraiment vu en vrai le Père Noël. La veille, un peu par bravade, ils avaient déclaré le contraire à Sidonie, et voilà qu’elle s’en trouvait malheureuse. Le soir du réveillon, en plus !
Ecoute, Sidonie ! dit Simonin. Ce soir, tu vas essayer de veiller un peu tard, et si le Père Noël nous rend visite au début de sa tournée, tu auras de grandes chances de l’apercevoir !
- Tu crois ? fit Sidonie en frétillant des moustaches.
- Fais-moi confiance ! lança Simonin avant de s’éclipser.
Ventre à terre, alors que l’idée fabuleuse qu’il avait eue continuait de germer entre ses deux oreilles, il se mit en quête de quelques complices pour la réaliser. Dans la cour de la ferme, il rameuta les quatre sœurs Poulette et sortit Apollo le chiot du fond de sa niche.
Quand il les eut tous réunis, il leur expliqua le chagrin de Sidonie.
- Alors voilà ! poursuivit-il, j’ai pensé qu’on pouvait lui montrer le Père Noël, ça lui ferait tellement plaisir ! Il va passer en traîneau devant chez elle ! Cette nuit !
Arlette, l’aînée des Poulette avança le cou.
- Comment sais-tu qu’il va passer devant chez elle, Simonin ?
Le lapin leva les yeux au ciel.
- Parce que le traîneau, les rennes et le Père Noël, ce sera vous ! répondit-il.
En face de lui, cinq regards s’éclairèrent.
- Brillante idée, Simonin ! dit Juliette, la cadette des Poulette.
Ne restait plus qu’à mettre le projet à exécution.
Apollo dénicha dans une remise une vieille boîte à chaussures sous laquelle ils fixèrent, en guise de skis, deux branches recourbées à l’une de leurs extrémités. Le traîneau venait de naître sous leurs doigts habiles.
Apollo, décidément très motivé, trouva au même endroit des lambeaux de tissus rouges dans lesquels il s’enveloppa, en gardant un morceau pour le bonnet.
- Et les rennes ? demanda Arlette.
- Les rennes, c’est vous les filles ! dit Simonin.
Il avait récolté quelques branches de bois mort qu’il leur fixa au sommet de la tête.
- Maintenant, écoutez mon plan ! chuchota Simonin.
Et il leur expliqua.
Le soir venu, il alla frapper chez Sidonie.
- Viens vite, lui souffla–t-il, je crois que j’ai entendu du bruit par là.
Il l’entraîna derrière un talus et l’invita à se cacher.
- Tu avais raison ! s’écria soudain Sidonie, les yeux écarquillés. J’aperçois le Père Noël !
Au loin, traversant le pré, Apollo, qui tanguait dans sa boîte à chaussures, incitait les sœurs Poulette, enfoncées dans la neige, à tirer son attelage, ce qui ne semblait pas aller de soi.
Sidonie, soudain méfiante, fronça ses sourcils de souris.
- C’est bizarre, dit-elle, j’ai l’impression de connaître tout ce monde-là… J’ai bien envie d’aller voir de plus près !
Et elle se leva brusquement. Simonin, qui voulut l’en empêcher, s’accrocha à elle. Ils tombèrent le museau dans la neige. Quand ils se parvinrent enfin à se redresser, ils faillirent tomber une deuxième fois, mais à la renverse cette fois.
À dix mètres du talus, sans un bruit, le vrai traîneau du Père Noël venait de se poser sur le pré. En tête, les huit rennes faisaient trembler le sol sous leurs sabots.
- Joyeux Noël à tous ! les salua le Père Noël.
Et, aussi immobiles que des bonshommes de neige, Sidonie et Simonin le regardèrent décoller, très vite rejoints par leurs cinq compères tout aussi ébahis.
- Vous avez vu ça ? fit Apollo.- Mais… lui dit Sidonie en riant. Qu’est-ce que tu fais enroulé dans ces morceaux de tissu rouge ? Et vous les sœurs Poulette, qu’est-ce que vous avez sur la tête ?
- On t’expliquera… dit Simonin la tête levée vers les étoiles.
FIN
Une histoire écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Les rennes piaffaient d’impatience. Le traîneau attendait dans la poudreuse que l’ordre de départ fût donné. Dans ses mains gantées, le Père Noël tenait la lettre que lui avait envoyée Charlotte la marmotte. Il la relisait une dernière fois.
“Cher Père Noël
Les copains se moquent de moi parce qu’ils disent que je dors tout le temps. Ce n’est pas vrai, je dors presque tout le temps, mais pas complètement tout le temps ! Pour dormir encore un peu moins tout le temps, j’aimerais bien avoir un nouveau réveil comme cadeau, mais un spécial, qui réveille vraiment. Un clocher par exemple. Les autres, je ne les entends pas. Au contraire, leurs tic-tac ont tendance à m’endormir. Merci Père Noël !
Bon, je vais me recoucher.
Charlotte”
Ah ! cette Charlotte, quel numéro ! pensa le Père Noël en glissant un large sourire dans sa barbe blanche.
Si le Père Noël souriait, c’est parce qu’il se souvenait que l’année d’avant, Charlotte avait déjà demandé un réveil, et l’année encore avant, encore un réveil. Cette fois, il fallait la satisfaire.
Il vérifia que le cadeau qu’il lui destinait était bien dans sa hotte et grimpa sur son traîneau. Une minute plus tard, il traversait le ciel comme une comète.
La nuit était déjà très avancée quand il survola les montagnes immaculées où vivait Charlotte. Sans bruit, il se glissa chez elle, guidé par des bruits étranges, et la découvrit calée contre une paroi dans le fond de sa chambre. Il le savait, la plupart des enfants, dans l’espoir de l’apercevoir, essayaient de rester éveillés le plus longtemps possible le soir du réveillon, jusqu’à ce que, vaincus par la fatigue, ils s’écroulent un peu avant son arrivée.
Avec Charlotte, aucun risque ! La petite marmotte était allongée sur le ventre, une expression de félicité béate sur le visage. Un petit sourire lui étirait la bouche, et un léger ronflement faisait vibrer ses moustaches.
Le Père Noël étudia les lieux et dut se forcer pour ne pas rire : chez Charlotte, depuis l’année précédente, les réveils avaient fait des petits ! Ils s’étaient multipliés ! Sans doute en avait-elle reçu pour son anniversaire ou pour la Sainte Charlotte. Sur des étagères s’alignait une belle collection de cadrans, des gros, des petits, des lumineux, à cloche et même une horloge qui devait abriter le coucou qui fait coucou toutes les heures. Le bruit qu’il avait perçu, c’était celui du concert de tic-tac qui envahissait la pièce et berçait la bienheureuse.
Un soupir le fit se retourner. Charlotte avait roulé sur le dos. Ses pattes repliées sur son ventre de fourrure, elle souriait aux anges des marmottes. À quoi rêvait-elle ? Le Père Noël aurait juré que ce n’était pas à une sonnerie stridente.
Il récolta les réveils alignés, les entreposa sous une épaisse couverture qui en atténua considérablement le bruit et posa son cadeau sur une étagère. Délicatement, il enleva le papier, car il savait qu’elle ne le ferait pas tout de suite, et en sortit… un réveil, mais un réveil dont le cadran était un peu spécial. A la place des chiffres habituels, les douze mois de l’année y faisaient une ronde. Il régla la minuterie sur le mois d’avril et trouva sur un bureau de quoi rédiger une lettre. D’une écriture soignée, il commença :
“Chère Charlotte.
Laisse tes copains se moquer un peu, ce n’est pas grave. Je crois que tu leur manques, c’est tout, mais explique-leur qu’il ne faut pas forcer la nature. La tienne est de te reposer. Profites-en ! Et tu fêteras Noël au printemps !
Joyeux Noël, marmotte au bois dormant !
Le Père Noël”
Il déposa l’enveloppe auprès du cadeau et sortit sur la pointe des pieds.
Mais il savait cette précaution inutile. Le petit ronflement l’accompagnait…
FIN
Une histoire écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
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