Noël approchait. Un vent glacé balayait les forêts canadiennes. Nestor était blotti contre sa maman, bien au chaud dans sa hutte.
- Et donc, il les dépose où les cadeaux, le Père Noël ? demanda-t-il encore.
- Au pied du sapin, la nuit de Noël, chéri ! Je te l’ai répété dix fois ! Tu sembles bien inquiet ! Pourquoi ?
- Oh ! Pour rien…
Un peu plus tard, il rejoignit ses amis au bord du bras de rivière où il logeait. Willy le grizzli et Gillou le caribou remarquèrent sa mine renfrognée.
- Un problème, camarade ? fit Willy.
- Un peu, oui ! Suivez-moi !
Nestor les entraîna sur les pentes d’une colline d’où l’on dominait la région. Au sommet, d’un mouvement de patte, il embrassa le paysage.
- Qu’est-ce que vous voyez ?
- La même chose que toi ! dit Gillou. Des sapins couverts de neige.
- Oui, geignit Nestor, des centaines de sapins ! Des milliers de sapins !
- Et alors ? dit Willy.
- Alors, comment voulez-vous que le Père Noël repère nos sapins parmi ces milliers d’autres ? Réponse : il n’y arrivera pas !
Les deux amis se renfrognèrent à leur tour. Soudain, le visage de Gillou le caribou s’éclaira.
- Tu n’as qu’à couper plein d’arbres autour du tien, et le Père Noël le verra !
- Bonne idée ! s’exclama Nestor qui dévala la pente pour se mettre au travail.
Quand ses amis le retrouvèrent, il était écroulé, la langue pendante, au pied d’un gros sapin dont le tronc était à peine entaillé.
- Avec mes petites dents, j’en ai pour des années ! C’est cuit les amis !
- Attends ! dit Willy, peut-être que Gillou et moi, on peut l’abattre !
Et tous les deux se précipitèrent, prirent de l’élan et heurtèrent le tronc de toutes leurs forces. Le résultat ne fut pas celui qu’ils avaient espéré. Des paquets de neige dégringolèrent de la cime.
Il y eut bientôt près du tronc un tas de neige en forme de grizzli, et un autre avec des bois qui dépassaient.
- Ça n’a pas marché, les gars ! ne put s’empêcher de rigoler le petit castor.
- On a remarqué, merci ! répondit un des deux tas de neige.
Un peu plus tard, ils étaient remontés au sommet de leur colline pour réfléchir. Devant cette forêt impénétrable, l’inquiétude envahit de nouveau Nestor.
- Tu as remarqué ? fit Willy en tendant une patte vers la rivière, on voit notre arbre.
- Où ? demanda le castor.
- La tache noire, là ! Celui qui n’a plus de neige.
S’appuyant contre sa queue, Nestor battit des pattes en poussant des cris de joie.
- Les copains, vous êtes fantastiques ! s’écria-t-il. On tient la solution !
Ensuite, pendant des heures, on entendit dans la forêt résonner les coups que portaient Willy et Gillou contre les troncs désignés par Nestor. Des dizaines de fois, ils furent ensevelis sous la neige, mais leur rythme ne s’en trouva nullement ralenti.
Leur tache achevée, ils gravirent une dernière fois la colline. Le fruit de leur travail dépassait leurs espérances.
- On a réussi les gars ! hurla Nestor.
Et les trois amis s’étreignirent en ébauchant une ronde joyeuse.
Ils étaient rentrés chez eux depuis longtemps, et même déjà plongés dans un profond sommeil, quand un éclair rouge déchira le ciel étoilé. Sur son traîneau, le Père Noël survolait les forêts infinies.
À perte de vue, il contemplait des sapins enneigés. Il négocia quelques virages, cherchant des repères, quand il écarquilla les yeux sous son bonnet :
- Eh bien ça alors, c’est incroyable !
Sous son traîneau, des arbres débarrassés de leur neige formaient des taches noires qui s’alignaient, formant des lettres, et même des mots sur la blancheur du paysage. Il lut d’abord NESTOR, puis, plus loin, GILLOU, puis encore plus loin, WILLY.
- Je crois que nous sommes arrivés ! annonça-t-il à ses rennes. En dessous vivent trois gaillards qui avaient manifestement peur qu’on les oublie ! Avec la surprise qu’ils m’ont préparée, ce serait difficile !
Et le traîneau piqua vers les prénoms en emportant le rire du Père Noël.
FIN
Une histoire écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark